Deux coupes, l'une d'or, l'autre faite de terre,
Versaient à flots, dans un festin,
La gaité franche avec le vin,
Buveurs causant par trop, coupes n'ont pu se taire.
La plus riche parla de sa blonde couleur,
De sa précieuse valeur ;
Soutint que seule aux Dieux elle offrait l'ambroisie ;
Et tint mille orgueilleux propos
Auxquels a répondu l'autre coupe en ces mots :
« À la couleur, d'abord, est bien fou qui se fie !
Et puis, quels sont, dis-moi, tes si nobles travaux ?
Ta valeur conventionnelle
Ne t'est nullement personnelle.
Le mérite est égal au service qu'on rend.
Quels services rends-tu ? Comme moi, tu fais boire.
En toi le vin est-il plus délicat, plus franc ?
Non, nous avons donc même gloire.
Mais la soif de ton or fait couler bien du sang !...
Dans ton orgueil, eh bien ! domine au premier rang,
Toi vil conseiller des crimes,
Et règne sur tes victimes !!
Le vase d'or où bu Caligula,
Malgré ta sublime place,
Dans aucun temps n'égala
L‘argile ou buvait Horace. »

Chaque convive, alors, approuvant ce discours,
De sa propre raison. lui prêta le secours,
Et proclama que l'or le cédai à la terre.
Qu'ouvrant au travailleur une noble carrière,
La terre, de sa main, couronnait ses efforts,
Détournait. de lui les alarmes
Et lui prodiguait des trésors
Qui ne font point couler de larmes.

Fables nouvelles, Livre III, Fable 17, 1851




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