Noble cœur, beau talent, chaleureuse éloquence
Sont trésors que les dieux
Souvent réservent pour eux ;
Tels sont les attributs de leur toutc-puissanre.
Prêter son bras au faible, appuyer l'innocence
Contre son sein ; invoquer la clémence
Pour arracher aux fers, à l'échafaud,
À la geôle du prévôt,
Jeune insensé que l'inexpérience
A compromis
Aux yeux de Thémis,
C'est là sublime ministère
Que le Ciel ne confère
Qu'à ses élus.
Je n'entreprendrai point d'éloges superflus.
Homme divin, toi que la France honore,
Ne crains pas que je décolore,
Sous mon pâle et froid pinceau,
Ta devise et ton drapeau.
Je place sous tes yeux exemples admirables
De dévouement et de fidélité...
Fidélité ! c'est l'âme de mes fables,
Et de ton noble cœur c'est la divinité.
Une perdrix, tendre mère,
Redisait sa plainte amère
Aux oiseaux d'alentour.
Elle avait vu, sous la serre
Du vautour
Sanguinaire,
Défaillir
Et mourir
Naguère
Son époux.
Qu'un mot du cœur est soulageant et doux
Pour l'âme d'une veuve
Soumise à si dure épreuve !
Au récit de telles douleurs,
Les tigres, je le crois, auraient versé des pleurs.
Cependant dame fauvette,
Autres oiseaux de bon aloi,
Pour plaire au vautour, leur roi,
Repoussent la pauvrette.
Sensible au cri de son amour,
Une alouette
Près de son nid volette
Nuit et jour.
Elle ramène l'espérance
Dans jeune cœur, flétri par les chagrins.
— Ma sœur, à la Providence
Confiez vos destins.
Les dieux, loin de votre tête
Et de vos chers petits,
Repousseront la tempête,
Vous mettront à l'abri des projets ennemis.
Ne craignez rien ; si tout vous abandonne,
Comptez toujours un cœur qui vous affectionne ;
Consolons-nous,
Je veux rester près de vous.
Je serai votre messagère :
Pour un autre hémisphère
Sans hésiter, je partirais
S'il fallait défendre vos droits. »
Que voix amie
A cœur affligé fait de bien !
Etre aimé, c'est de la vie
Le charme et le soutien.
La perdrix trouvait allégeance
A ses douleurs ;
Et ses pleurs
Coulaient de reconnaissance.
Mais, au bout de quelques jours,
L'alouette
Apprend de bergerette
Que deux autours
Tenaient certains discours
Contraires à la pauvre mère.
L'oiseau délibère
Afin de tromper l'épervier.
Il n'est plus temps ! un barbare geôlier
Le lendemain tenait captive
La perdrix !
L'alouette arrive
A ses cris.
Elle ne peut renverser sa barrière,
Non plus briser ses liens ;
Ni fléchir l'humeur altière
Des gardiens
Qui veillent sur leur proie
Avec féroce joie.
Que fait le généreux oiseau ?
Il va trouver le perdreau,
Le console cl le rassure ;
Et par les dieux lui jure
De flétrir, en public, et vautour et bourreau
Qui voudraient outrager sa mère.
Et soudain notre messagère
Vole au village, à la cité ;
Par ses récits excite la pitié.
Puis, en voyant tous les cœurs favorables,
Rapporte à la prison nouvelles agréables,
Qui de la veuve ont ranimé l'espoir
De n' être point toujours privée
Du bonheur de revoir
Sa charmante couvée.
Malgré de perfides complots,
Maints habitans des bois veulent que les cachots
Leur rendent leur amie.
L'alouette, jamais ne restant endormie,
Un jour enfin jetait ces mots
Du haut des airs : A demain ! Espérance !
Et patience !
Et la perdrix, remise en liberté,
Par les soins généreux de la fidélité,
Se réchaufsa sur le sein d'une amie.
Plaisir bien court ! le lendemain bannie
La veuve s'éloigna du sol de la patrie-
Mais, fidellc au malheur,
L'alouette
A rejeté trésors que le persécuteur
De la pauvrette
Lâchement proposait pour acheter son cœur
Acheter son cœur ! c'est démence:
Je l'entends répéter : Espérance ! Espérance !