Heureux climat, fortune, honneurs,
Rien ne remplace la patrie.
Au souvenir de la terre chérie,
L'exilé verse des pleurs.
Châteaux, palais et leur magnificence,
Leurs lambris d'or,
Leurs glaces et leurs dais, la gloire du Thabor,
Ne peuvent effacer les pensers de l'enfance,
Ni refléter le jour pur du berceau.
Mieux vaudrait le tombeau
Quo l'exil et ses tortures.
Tendres baisers, caresses pures,
Souris de mère, effusion du cœur,
Seuls donnent le bonheur.
Rose des champs et suave aubépine
Que sur la treille voisine
L'enfant cueillait dès le matin,
Ne se retrouvent plus au rivage lointain ;
Ou, si l'œil les rencontre,
Rose se montre
Moins riche d'incarnat,
Son parfum est moins délicat.
Qu'enrubannée,
Bien loin de son berceau,
La fille du hameau,
De l'hyménée
Allume le flambeau :
A sa fraîche guirlande
De myrte et de lavande,
Le noir cyprès
Mélange les regrets.
Ah ! c'est qu'on ne sent plus, sur la rive étrangère,
Battre le cœur d'une mère !
— Laisse-moi sur ton sein
Poser la tête:
Si la tempête
Gronde demain,
S'il me faut quitter encore
Celle que j'adore,
Ma mère ! qu'un souris
Sur mon front hâlé, livide,
Et sur ma bouche aride
Efface les soucis.
Qu'un doux baiser, comme aux jours de l'enfance,
Me rende l'espérance
De vivre longtemps près de toi.
Comme ton sein bat et soupire
Pour moi !
Le dirai-je ? je désire
Expirer de bonheur
Là, sur ton cœur.
Ciel ! je le sens, tu frissonnes !
Tu parais compter tes automnes...
Ah ! voudrais-tu me laisser orphelin !!!
Mèro chérie !
Ton cœur, pour moi, c'est la patrie ;
C'est le rayon du matin,
Quand l'aurore
De ses feux dore
Les traits du pèlerin,
Qui, fatigué des ténèbres,
Roulé dans les voiles funèbres
De la nuit,
Bénit par la prière
L'auteur de la lumière
Qui luit:
Comme au jour de la tempête
Le nautonnier, sur sa tête
Voyant s'amonceler les flots,
Jette sa plainte aux échos ;
Mais à son œil brille le phare-
Joyeux il voit sa gabare
Et ses braves matelots
Vaincre la fureur des eaux ;
Ainsi près de toi, ma mère,
Tout est plaisir,
Et je perds souvenir
De ma misère.
Oui, que de son venin
La noire calomnie
Ronge mon cœur de chagrin ;
Qu'un ami me dénie
Une place à son festin ;
Que l'inconstante Fortune
M'accable de ses mépris ;
Que l'Indigence importune
Ne me laisse espérance aucune,
Le Ciel me trouvera soumis.
Douce liqueur par roses distillée,
Le filet d'eau
Du ruisseau ;
La racine de la vallée
Pour apaiser ma faim, rafraîchir mon palais ;
Pour abri, la voûte étailée
Ne me manqueront jamais.
Pour l'avenir je n'aurai plus de crainte,
Si, près de moi, près de mon cœur,
Ma mère alors, par une douce étreinte,
Sur ma bouche étoufse ma plainte ;
Je n'aurai point frémi sous la main du malheur.,.
Ainsi partait un fils de la Bretagne,
Le front penché sur le sein maternel.
La fille de la montagne,
Autre Rachel,
De son amour pressait le dernier gage
Sur son cœur.
Mais que vois-je ? ô douleur !
Un étranger paraît ; son air sombre >t sauvage
Présage
Quelque nouveau malheur.
Coeurs généreux, ah ! pour vous quelle épreuve !
L'on arrache aux bras de la veuve
L'appui de ses vieux ans !!!

Vous tous qui commandez, princes, hommes puissans,
Usez toujours de clémence ;
Ne nous privez jamais du toit qui de l'enfance
Nous rappelait les jours riants.
Des fils et de la veuve exaucez la prière :
Le miel est un poison, toute liqueur amère
Pour mère sans son fils, pour l'enfant sans sa mère.

Livre I, fable 4




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