Sur les créneaux d'une antique tourelle
Un épervier, fourbe et voleur,
Aborde un jour commère l'hirondelle:
La pauvrette en eut frayeur...
Je n'en suis pas surpris, ci Eh! bonjour, ma voisine,
Lui dit le patelin ;
Vous avez l'air souffrant! C'est que, je le devine,
Vous avez fait un long chemin.
Dans nos climats le printemps vous ramène,
Mais la saison prochaine
Vous verra déserter ces lieux et ces donjons;
Lois nous serons privés de vos douces chansons.
Quoi qu'il en soit, agréez mon hommage ;
Je suis heureux de vous revoir. »
Dame hirondelle alors, ne pouvant entrevoir
Le but de ce verbiage,
Se disposait sagement
A regagner son logement.
L'épervier la relient et lui dit : « Ma commère,
Sur la rive étrangère
Avez-vous aperçu mon cousin ? un aiglon
Qui, je ne sais pourquoi, délaissant nos montagnes,
Loin de ces belles campagnes '
Est allé s'enterrer seul au fond d'un vallon.
Vous est-il inconnu? — Non pas, dit l'hirondelle;
Je l'ai vu naître, et ma sœur Philomèle
Autour de son berceau fit entendre ses chants.
Il m'en souvient; vos vœux et vos serments,
Seigneur, eu ce jour de fête,
Conjuraient la tempête,
Le trépas et les vents
De respecter celle royale tête.
Hélas! depuis ce temps, les dieux l'ont éprouvé,..
Que de nouveaux malheurs l'aiglon soit préservé!
Je l'ai revu sur la fin de l'automne.
— C'est encore un cœur neuf, que rien ne passionne..,
— Vous vous trompez, il aime et compte des amis.
Les oiseaux d'alentour déjà se sont promis
De le venger... Les bourreaux de son père
Trouveront leur châtiment...
— Taisez-vous, vieille commère !
Je ris de votre aveuglement.
De mon cousin j'ai protégé la vie:
De l'attaquer qui peut avoir envie ?
— Qui ? les lâches auteurs de son lointain exil
(Car je ne prends pas le change):'
11 tomba dans les rets d'un ennemi subtil
Dont le remords déjà le venge...
— Mon Dieu! vous êtes dans l'erreur!
— Vous me poussez à bout; je ne puis plus me taire,
Et, dût sur moi fondre votre colère,
En vous je reconnais le seul persécuteur
Du noble oiseau qui, loin de ce rivage,
Grandit, se forme, attend jusques à l'âge
Où, prenant un noble essor,
Il pourra sans danger fondre sur ces campagnes,
Et régner sur vos montagnes,
Je l'y vis autrefois, je veux l'y voir encor...
Adieu : je crains peu la vengeance;
Le Ciel défendra l'innocence:
Le fourbe, tôt ou tard, tombe dans ses filets ;
La justice et le temps traversent ses projets. »