Une hirondelle, un jour d'orage,
Ayant volé longtemps, longtemps, au ras du sol,
Dans les chemins, le long des maisons du village,
Sur la mare, au bord de l'herbage,
Finit par se poser auprès d'un rossignol,
Qui, depuis le matin, caché sous le feuillage,
Donnait l'aubade au voisinage.
Haut sur pattes, très court de col,
Pelotonné dans son plumage,
L'œil noir, saillant, le bec ouvert,
Un petit bout de queue en l'air,
Il vibrait !... Dieu sait les roulades,
Dont il animait ses chansons !
Et les points d'orgue !... et les cascades
De trilles et de fredons !
L'hirondelle d'abord en fut abasourdie.
« Mais comment faites-vous, ma mie,
Pour vous égosiller ainsi soir et matin,
Sans perdre haleine ?
Quoi ! vous ne craignez pas de vous rompre une veine ?
- Et vous, qui nous venez de quelque bord lointain
Perdu sous la zone torride,
Sans autre repos en chemin
Qu'un bout de mât, flottant sur la plaine liquide,
Lui répondit le rossignol,
Vous que je vois d'ici, tantôt rasant le sol,
Tantôt planant là-haut, par delà les nuages,
Immobile au-dessus des vents et des orages.
Quoi ! vous ne craignez pas de vous casser le col,
A bout d'ailes un jour, ou de faire naufrage ?
- Ma vie, à moi, n'est qu'un long vol.
- La mienne n'est qu'un long ramage.
Chacun sa loi, sa fin ; chacun son apanage. »
Et là-dessus le petit maestro,
Enchanté de montrer que sa philosophie
Pouvait aller de pair avec sa mélodie,
Recommença son chant, piano, pianissimo,
Rinforzando, appasionnato !
Pendant que sur la mare, au dessus de l'herbage,
Dans les chemins, le long des maisons du village,
L'hirondelle, poussant de petits cris joyeux,
Avec ses soeurs, à qui mieux mieux,
Reprenait ses aimables jeux.
ENVOI
L'aronde vole, vole, vole,
Toujours en l'air ;
Et le Rossignol rossignole
Toujours son air.
Le poète enfile dès rimes
Dont il compose maint collier :
Rimes charmantes où sublimes...
Quand l'artiste s'appelle Augier.