Une Hirondelle accoutumée à caqueter auprès des habitations fut conduite par le hasard dans une char-, mante solitude. Elle y trouve un Rossignol qui, perché sur un laurier, y jouissait de la paix et du repos. On prétend lui que tu tires des sons enchanteurs de ton gosier harmonieux. Cependant jusqu'ici je n'ai pu rien entendre de ta façon. Quanta moi je régale volontiers tout le monde de la douceur de mon chant. Mais toi si tu es aussi habile qu'on le dit pourquoi fuis-tu les villes et la société des hommes 3 Crains-tu qu'on ne te refuse les louanges qui te sont dues ? ou plutôt n'est-ce pas par prudence que tu te caches ; et parce que 9 connaissant toi-même ton peu de mérite, tu ne veux pas paraitre devant des juges instruits de peur d'en être sifflé ?
Le Rossignol répondit : Les villes et leurs habitants ont des attraits qui pourraient me plaire ; mais je préfère les délices d'une campagne fortunée ; et c'est là que je veux vivre et mourir dans l'obscurité. Vous croyez trouver dans mon peu de mérite le honteux motif .qui m'a fait choisir ce genre de vie : je le dirai cependant avec franchise ; je ne craindrais point de me faire entendre à des oreilles délicates si l'occasion s'en présentait. Je ne méprise point mes talents ; et une sotte timidité ne me fait point redouter des juges éclairée : mais je me passe volontiers de l'agitation tumultueuse des villes, et il m'est doux de pouvoir jouir tranquillement du loisir de la campagne. Pour vous, Peronelle, je ne vois pas quel si grand plaisir vous trouvez à voler sans cesse autour des belles maisons et de palais : vous avez dû vous apercevoir plus d'une fois, que toutes les oreilles y sont fatiguées de vos ennuyeuses chansons.
Souvent, contre toute justice et toute raison, l'ignorant cherche le grand jour, et le savant le fuit.