Les Plantes du Sénégal et les Plantes exotiques Fables Sénégalaises

L'Afrique est hospitalière,
Mais c'est pour la pauvreté.
Ignorante, routinière,
Elle exerce, à sa manière,
Sa vieille hospitalité,
Et craint, pour sa liberté,
Toute influence étrangère.
L'Afrique est faible et vieille ; et l'on voit d'ordinaire
Les enfants, les vieillards craindre la nouveauté.
Que de vieillards, d'enfants, compte l'humanité
Les Plantes de l'Afrique un jour disaient entre elles :
« Qu'est-ce donc ? on prétend que de Plantes nouvelles
Notre climat sort doté!
Qu'il ait des fruits meilleurs, qu'il ait des fleurs plus belles
Beau projet y en vérité
Pourquoi nous dédaigner ? Au Sénégal fidèles,
Nous en fîmes toujours l'ornement, le bonheur.
A des plantes étrangères
Nous faudra-t-il céder et la place et l'honneur ?
Pour quelques aventurières
De la nature ici l'on veut troubler les lois.
Rendons, par nos efforts, ces tentatives vaines.
Guerre à ces plantes lointaines
Qui, méconnaissant nos droits,
Usurperaient bientôt nos antiques domaines. »
« Eh bien guerre, guerre à mort
Dirent d'un même élan les Plantes Africaines.

Pour mal faire ici-bas on est bientôt d'accord.
Chacune de chercher un moyen de détruire.
Le chiendent fait son jeu dans tous pays pour nuire
Croît ce rampant végétal.
Les herbes à foison, envahissant la terre,
Étouffent tous les plants qu'un zèle téméraire
Introduit au Sénégal
Et même, sous le sol, quelques mortes racines,
Prenant part à ces complots,
Soutirent la fraîcheur utile aux plants nouveaux.
Les ronces et les épines
Lancent, de tous côtés, mille buissons crochus
Qui déchirent le feuillage.
A. des mimosas branchus
Demande-t-on de l'ombrage
Pour des végétaux nés sur un plus froid rivage ?
Ces perfides protecteurs
Corrompant leur atmosphère y
Couvrent leurs protégés de gomme mortifère (y).
Partout croissent les tobs, parasites rongeurs.
Mille germes voyageurs,
Pour nuire aux étrangers, naissent en abondance.
Sur le sol retourné pullulent les drageons..
Même on y voit des chardons,
Des chardons venus de France,
Et sans peine acclimatés.
Ces renégats au mal sont le plus entêtés.

Cependant les trésors d'Amérique et d'Asie,
Transportés tout à coup sur le sol africain,
Adoptent, sans regret, leur nouvelle patrie.
Le secours éclairé d'une habile industrie,
Contre la ligue ennemie
Ne les défend pas en vain.
Déjà fleurit, mûrit l'ananas, la banane ;
Déjà le café, la canne
Obtiennent un plein succès.
L'oranger, le manguier, la vigne ont pris naissance ;
Le figuier, l'olivier ; honneur des champs français~
Les mûriers de la Chine et ceux de la Provence,
Au Sénégal surpris apportent leurs bienfaits.

« Végétaux Sénégalais,
Dirent alors un jour les Plantes Exotiques
Nés sous les mêmes cieux, habitons des tropiques,
Que ne vivons-nous en paix ?
Dans ce pays désert cédez-nous quelques places ;
Fraternisons pour toujours.
La grefse peut confondre et marier nos races ;
Et bientôt les zéphyrs, messagers des amours,
Échangeant dans les airs nos poudres fécondantes
Nous donnerons naissance à de nouvelles plantes.
Assurons à ce sol, dedaigné trop longtemps,
Des fruits délicieux, des destins éclatants,
La richesse et l'abondance.

Servez votre pays servez l'humanité,
Les préjugés et l'ignorance
Vont crier à la nouveauté
On fera partout résistance.
Mais, d'une ferme volonté,
Tendez marchez au but avec persévérance
Tôt ou tard le succès, par vos soins acheté,
Couronnera votre constance.
N'espérez, toutefois, nulle reconnaissance
Bien fou qui s'en serait flatté.

Fable 36


Il y a fort à parier qu'il n'y a pas grand chose de traditionnel ni d'africain dans cette très longue fable.

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