Un mort fort tristement allait au cimetière,
Dans un superbe char pompeusement porté
C'était un mort de qualité.
Le convoi de la pauvreté.
Modestement voiturait par derrière
Un autre mort aussi fort attristé
De se voir à l'étroit allongé dans la bière,
Et dans un drap empaqueté !...
Leurs deux fosses étaient voisines,
Deux mètres au plus de largeur
Sur deux mètres de profondeur,
Deux mètres aussi de longueur,
Mais seulement trois pouces d'épaisseur ;
Si bien qu'avec, des oreilles très fines,
Un brin de curiosité,
Chacun pourrait facilement entendre
Et comprendre
Tout ce qui se dirait au logis d'à côté.
Après tous les adieux d'usage,
Le mort de qualité se permit ce langage :
« Me donner un tel voisinage !...
Un va-nu-pieds, quelque goujat, je gage !...
Encor s'ils m'avaient mis auprès de gens bien nés !... »
L'autre aussitôt (il eût été plus sage,
De ne lui rien répondre et de lui rire au nez)
Le traita de manant, d'aristo, de pécore,
Dit d'autres mots bien moins polis encore....
Un autre mort au mort de qualité
Crut devoir imposer silence :
« Tous les torts, lui dit-il, sont de votre côté ! »
Dans le tombeau l'égalité commence.