Les Canaris Gabriel-T. Sabatier (19ème)

Sur le rebord d'une fenêtre,
Des oiseaux venus du Cap Vert,
Des canaris, à leur cher maître
Faisaient entendre un gai concert.
Chacun admirait leurs roulades,
Disant : « Que c'est mélodieux ! »
Leur maître aimait les sérénades :
Jugez s'il devait être heureux
D'écouter tous ces airs joyeux !
Mais un jour enfin il se lasse
D'entendre à tout propos chanter :
Le plus beau chant quoi que l'on lasse,
. Redit souvent peut rebuter.
« Beaux canaris, cria leur maître.
Taisez-vous donc, je n'en puis plus !
Ah! je le vois, de ma fenêtre
Vous voulez être descendus !
Et bien, partez! vous êtes libres ;
J'aime mieux la paix que vos cris.
Vous me rompez toutes les fibres,
Tous mes voisins sont assourdis!
Envolez-vous, fuyez bien vite ;
Allez, allez bien loin d'ici :
Le plus doux chant parfois irrite ;
Votre chanson me lasse aussi ! »

Abusez d'une bonne chose
Et le dégoût vite parait :
Chacun de nous aime la rose ;
S'il s'en trouvait partout, elle nous déplairait !

Livre III, Fable 10, 1856




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