Les deux Bergers Gabriel-T. Sabatier (19ème)

Dans un pré verdoyant, le long de la rivière,
Un jour, un vieux berger qui gardait son troupeau,
Se disait tout joyeux : « Il est vraiment bien beau !
Et bien docile; aussi j'espère
N'être jamais forcé d'employer mon gourdin.
Je n'ai qu'à l'appeler pour qu'il suive son maître! »
Le berger poursuit son chemin,
En fredonnant un air champêtre,
Lorsqu'il entend soudain dos pleurs et des sanglots
Et près du ravin voit paraître
Un berger de quinze ans, qui lui parle en ces mois :
« Oh ! quel malheur pour moi, ma porte est bien certaine ;
Tout mon troupeau s'est dispersé soudain
Et pour le rassembler, j'ai parcouru la plaine
Frappant chaque brebis, mais hélas ! bien en vain !
Elles n'ont pas voulu suivre leur jeune guide !
Elles ont toutes fui vers le torrent rapide ! »
Le vieux berger lui dit : a Va, je m'en vais tenter
D'assembler ton troupeau ; mon ami, sois sans crainte ;
Tu trouves tes brebis pénibles à dompter ?
Et bien je te promets de m'en faire écouter !
Je vais les ramener sans user de contrainte. »
Sans chien pour l'escorter, sans bâton à la main,
Il va vers le* brebis qu'il trouve presque folles :
Les calmant aussitôt par de douces paroles
Il les ramène au bon chemin !
Quelques instants plus tard, tout le troupeau, docile,
Suivait le berger pas à pas ;
Toutes marchaient d'un pas agile,
Et lui, les conduisait, sans le moindre embarras.
Au jeune fou pleurant dans la prairie,
Le vieux et bon berger put dire en arrivant :
« Les voilà tes brebis, pas une n'est meurtrie;
Conduis-les mieux qu'auparavant !
Et pour cela, jeune homme, use de patience.
Au lieu d'employer la rigueur
Je mène mon troupeau toujours par la douceur :
C'est là mon unique science. »

Livre III, Fable 23, 1856




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