Les Frelons et les Abeilles Gabriel-T. Sabatier (19ème)

Les frelons, depuis quelques jours,
Avaient enfin perdu leur longue patience ;
Ils déclarèrent net dans une conférence,
Que l'état social marchait tout à rebours;
Que des abus criants appelaient la vengeance.
Leur conseil déclara qu'il fallait en finir
Avec toutes les lois qui les faisaient souffrir.
« Quoi, dit un gros frelon, nous verrous les abeilles
Avoir tout à souhait,
Dans leur ruches vermeilles
Et nous vivrons de rien » le frelon rugissait.
« Hélas ! ajoutait-il sur un ton lamentable,
Bien affreux est notre destin !
La dure adversité sans cesse nous accable ! »
Son discours là-dessus ne prenait pas de fin.
En cet instant passait tout un essaim d'abeilles,
Les frelons aussitôt cornent à leurs oreilles
Ce que leur conseil décidait.
Les abeilles soudain s'arrêtent dans la plaine
Et voici le discours quo prononça leur reine :
« O frelons, que vous a-t-on fait
Pour exciter votre colère ?
Vous seuls, causez votre misère !
Certes nous n'y sommes pour rien.
Pourquoi bourdonnez-vous tout le jour sans rien faire ?
Du travail la fortune est le juste salaire :
Vous serez comme nous si vous travaillez bien.
Frelons cessez donc de vous plaindre
Et d'envier votre voisin ;
No couvez pas toujours quelques mauvais dessein :
Mieux vaut se faire aimer quo de se faire craindre.
Gloire au travail! honte au larcin! »

Mais, malgré le discours de cette sage reine
On dit et je le crois sans peine,
Que les cris des frelons n'ont pas encor pris fin !

Livre III, Fable 24, 1856




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