Les Frelons et les Mouches à miel Charles Beaulieu (19ème)

Si de connaître à l'œuvre l'artisan,
Est un moyen de finir une affaire,
Celui dont je me sers pourrait bien, je l'espère,
Rencontrer plus d'un partisan.
Sur la fin d'un hiver aussi long que funeste,
Où , d'abeilles plus d'un essaim
Trouva sa fin,
Quelques rayons de miel furent mis en conteste :
Car rien n'est tel que les décès,
Pour faire naître les procès.
Des Frelons prétendaient qu'ils étaient l'héritage
Laissé par leurs parents sur le point de mourir,
Que l'hiver avait fait périr.
Des abeilles du voisinage
Soutenaient hardiment qu'ils étaient leur ouvrage.
Or, sans preuves , le cas ne pouvait s'éclaircir ;
Mais pour les contestants, comme rien ne démontre,
De leurs droits, le pour, ou le contre,
Et , que nul titre écrit ne peut faire valoir
Quelles prétentions chacun d'eux peut avoir,
Il faut donc forcément entrer en procédure.
- Un procès, pauvres gens !
Dit une vieille abeille, et pleine de bon sens,
Vous ne pouvez payer autrement qu'en nature,
Et, vous seules, mes sœurs, pairez assurément,
Attendu l'état indigent
Où se trouve votre adversaire :
Ainsi donc, croyez-moi, pour agir sagement,
Terminez vite cette affaire,
En cédant de bon gré la moitié des rayons
A messieurs les frelons.
A ce prix. - Croyez-vous qu'ils voudront abandonner la cause,
Je leur ai fait entendre la chose.
Entendez-la comme eux, et tous vous ferez bien.
On la crut : sans procès on termina l'affaire,
Et grâce à ce simple moyen,
Pour gruger, la chicane, en cela n'eut que faire.

Un mauvais accommodement
Vaut mieux qu'un bon procès, dit-on, assurément,
Surtout, si nous savons qu'à défaut de finance
Chez les autres, sur nous tombera la dépense.

Livre I, fable 21




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