« De notre oisiveté tout le monde se raille,
Se disaient les frelons ; de fait, jusqu'à présent
Nous n'avons rien produit qui vaille.
A tout ce peuple médisant
Tâchons donc d'imposer silence :
Si nous ne pouvons travailler,
Prouvons du moins que nous pouvons briller,
Ne fût-ce que par l'éloquence. »
Certaine abeille à qui sa rare habileté
Avait valu quelque célébrité
Depuis peu de jours était morte.
De frelons bourdonnant une nombreuse escorte
Lui fait un beau convoi. L'un d'eux, grand orateur,
Avec une verbeuse et brillante faconde,
Exalte ses travaux, sa science profonde
Dans l'art de fabriquer le miel : à l'auditeur
Il arrache des pleurs ; on le loue, on l'admire.
, « Les frelons ne sont pas, comme on veut bien le dire,
Des gens sans esprit, sans talents, »
S'écria l'un des assistants.
« Mon cher, reprit une prudente abeille,
C'est peu que de flatter l'oreille
Par un discours ingénieux :
Faire de bon miel vaudrait mieux. »
Si l'on n'est pas tout à fait sans mérite,
Lorsqu'on sait dignement louer
L'homme utile, il faut avouer
Qu'on en a plus encor quand on l'imite.