Ce qui le plus souvent donne lieu de se plaindre,
C'est qu'on veut rabaisser ce qu'on ne peut atteindre.
Parmi d'autres roseaux, l'un d'eux des plus petits,
Des plus fluets, et des plus rabougris,
Un jour tint ce langage
Au chêne qu'en cet instant,
Tourmentait l'ouragan :
Crois-tu, dit le roseau, par le vain étalage
De tes nombreux rameaux, prétendre en imposer,
Insolent, pour oser,
Du tumulte importun de ton vaste feuillage,
Rompre la tête aux hôtes d'alentour,
Et cela nuit et jour,
Au moindre vent ? Orgueilleux personnage !
Le bruit à la valeur est toujours mal séant,
Qui te donne le droit de faire un tel vacarme ?
Suffit-il donc d'avoir, pour répandre l'alarme,
La taille d'un colosse, et le bras d'un géant ?
Se croit-on un héros parce qu'on fait tapage
A tout propos, à tout venant ?
De la force le meilleur gage,
C'est le calme imposant.
Quel serait en ces lieux le murmure effrayant
Si, pour la plus légère brise,
Mes confrères et moi,
Or, sans preuves, le cas ne pouvait s'éclaircir ;
Mais pour les contestants, comme rien ne démontre,
De leurs droits, le pour, ou le contre,
Et, que nul titre écrit ne peut faire valoir
Quelles prétentions chacun d'eux peut avoir,
Il faut donc forcément entrer en procédure.
Un procès, pauvres gens !
Dit une vieille abeille, et pleine de bon sens,
Vous ne pouvez payer autrement qu'en nature,
Et, vous seules, mes sœurs, paîrez assurément,
Attendu l'état indigent
Où se trouve votre adversaire :
Ainsi donc, croyez-moi, pour agir sagement,
Terminez vite cette affaire,
En cédant de bon gré la moitié des rayons
A messieurs les frelons.
- Croyez-vous qu'ils voudront abandonner la cause,
A ce prix. Je leur ai fait entendre la chose.
Entendez-la comme eux, et tous vous ferez bien.
On la crut sans procès on termina l'affaire,
Et grâce à ce simple moyen,
Pour gruger, la chicane, en cela n'eut que faire.
Un mauvais accommodement
Vaut mieux qu'un bon procès, dit-on, assurément,
Surtout, si nous savons qu'à défaut de finance
Chez les autres, sur nous tombera la dépense.