Le Chêne et la Pervenche Louis-Maximilien Duru (1804 - 1869)

LE CHÊNE.

Mais pourquoi, timide Pervenche,
As-tu quitté mon tronc noueux?
J'aimais sur mon sein généreux
La douce étreinte de ta branche.
Oui, j'aimais tes bourgeons nouveaux
Autant que mes propres rameaux !

LA PERVENCHE.

Un coup de vent m'a détachée
De ces beaux rameaux mes appuis,
Et maintenant, triste et penchée,
Je me dessèche et je languis.
Oh ! qui me rendra ton ombrage
Et la fraîcheur de ton feuillage?
Je n'ose plus m'en approcher ;
Car j'ai senti ta vieille écorce
Gémir, quand l'autan vint de force
A ton doux soutien m'arracher.

LE CHÊNE.

Reviens, ô ma fille chérie?
J'étais orgueilleux de tes fleurs,
Elles rajeunissaient ma vie.
Mon écorce a versé des pleurs,
Ma sève qui t'avait nourrie
Veut couler encor dans ton sein.
Reviens te coller sur le mien?
Jamais plus la rude tempête
Ne t'arrachera de mes bras.
Ah ! plutôt, abaissant ma tête,
Je l'opposerais aux frimas,
Et, pour protéger ta faiblesse,
Contre les autans turbulents,
Dans le transport de ma tendresse,
Pour toi j'entrouvrirais mes flancs.

Quand on rencontre dans la vie
Un appui pour son faible coeur,
Jamais qu'une crainte ennemie
N'en fasse perdre le bonheur.
Là toujours la tendre indulgence
Saura pardonner une erreur,
Consoler même d'une offense,
Ou d'une coupable froideur.

Livre II, fable 3




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