Le Chêne et le Pommier Léon-Pamphile Le May (1837 - 1918)

Dans un champ, tout auprès de mon humble village,
Un chêne déjà grand étalait son feuillage
 Avec un orgueil mal caché.
Il était beau, c’est vrai ; l’on recherchait son ombre ;
 Mais jamais ne s’était penché
 Sur les petits son grand front sombre ;
 Et rien ne gâte la beauté
 Comme la vanité.

 Un jour un pommier eut l’audace
 De pousser près de lui :

Peut-être comptait-il un peu sur son appui.
Il fut bien mal venu :

 — Bois d’une vile race,
 Lui cria le chêne offensé,
 Comment as-tu jamais pensé
 À venir dans mon voisinage ?
 Ne vois-tu pas, mon pauvre ami,
 Que ta place est parmi
 Les vilains arbres de ton âge ?

 — Vous êtes grand, dit le pommier,
 Je le reconnais le premier,
 Et sous votre rugueuse écorce
 Vous avez plus de sève et plus de force
 Que tous les frêles arbrisseaux ;
 Vous ne produisez, tout de même,
 Qu’un fruit d’une amertume extrême
 Que l’on jette aux pourceaux.

Comme le chêne acerbe
 Sur ses rameaux fiers
 Toute âme superbe
 N’a que des fruits amers.

Livre III, fable 20




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