Dans un champ, tout auprès de mon humble village,
Un chêne déjà grand étalait son feuillage
Avec un orgueil mal caché.
Il était beau, c’est vrai ; l’on recherchait son ombre ;
Mais jamais ne s’était penché
Sur les petits son grand front sombre ;
Et rien ne gâte la beauté
Comme la vanité.
Un jour un pommier eut l’audace
De pousser près de lui :
Peut-être comptait-il un peu sur son appui.
Il fut bien mal venu :
— Bois d’une vile race,
Lui cria le chêne offensé,
Comment as-tu jamais pensé
À venir dans mon voisinage ?
Ne vois-tu pas, mon pauvre ami,
Que ta place est parmi
Les vilains arbres de ton âge ?
— Vous êtes grand, dit le pommier,
Je le reconnais le premier,
Et sous votre rugueuse écorce
Vous avez plus de sève et plus de force
Que tous les frêles arbrisseaux ;
Vous ne produisez, tout de même,
Qu’un fruit d’une amertume extrême
Que l’on jette aux pourceaux.
Comme le chêne acerbe
Sur ses rameaux fiers
Toute âme superbe
N’a que des fruits amers.