Le Chêne et le Troupeau Étienne Fumars (1743 - 1806)

Un chêne fastueux, étalant son feuillage,
Formait sans le vouloir un salutaire ombrage,
Dans les ardeurs du jour, asile d’un troupeau.
Là le pasteur assis, jouant du chalumeau,
Amoureux, s’unissait au champêtre ramage
De sa chère Lison qui tournait le fuseau.
— Les ingrats ! disait l’arbre, agitant sa verdure,
A leur aise, à mes pieds, respirent la fraîcheur,
Sans louer ma bonté ; sans bénir ma parure
Qui les défend de la chaleur.
L’instant d’après, des glands, détachés par Zéphyr,
Bondissent sur le nez du chien et des brebis.
Holà ! dit le mâtin, mais voyez quel mépris !
Il nous écrasera quelque jour, sans mot dire !
Fait pour nous rafraîchir et pour nous abriter,
Il se plaît à nous insulter !
On bêle, on bêle, on se retire.
Lisette a de l’humeur, en cor plus le berger.
Vingt fois Grognard revient aboyer, en colère,
Fâché de ne pouvair autrement se venger ;
Et des ânes passant qui ne savaient l’affaire,
Oubliant leur fardeau, se plantent là pour braire.

J’ai vu parfois les grands reprocher aux petits
Un bien qu’ils ne pouvaient s’empêcher de leur faire ;
« Si nous ne dépensions, d’où seraient-ils nourris ? »
Et du faste des grands tirant leur nécessaire,
Pour une éclaboussure, insulte imaginaire,
Les petits s’indigner et jeter les hauts cris.





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