Le Prince inconsolable Antoine Bret (1717 - 1792)

La mort venait de priver un Sophi
Du doux objet de sa tendresse ;
Les traits du beau, les charmes du joli,
En avaient fait un objet accompli.
Ainsi dans sa pieuse ivresse
Un Musulman se peint nue Houry.
Lorsque ce Prince inconsolable,
Des flots amers de la douleur
Eut à choisir rempli son cœur ;
Et que du fort impitoyable
Il eut bien détesté l'horreur :
On lui présente un célèbre Docteur
Qui par son Art a déjà dans l'Asie
Rendu quelque belle à la vie.
Prince, dit-il, dans vos Etats nombreux
De trois mortels parfaitement heureux
Toujours contents, sans douleur et sans peine,
Que des gens vrais et scrupuleux
Fassent la recherche soudaine ;
Leurs noms écrits sur la tombe d'Irène
Rendront cette belle à vos vœux.
Un mois se passe, un autre, et le troisième,
Et puis un an est révolu,
Les députés n'ont point encor paru.
Le Prince enfin conçoit le stratagème.
Oui, dit-il, je le sens, les peines, la douleur
Sont le passage de notre être j
J'ai trop gémi de mon malheur ,
L'Homme heureux est encore à naître.

Fables orientales, fable 22




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