Plaisirs d'un cabinet d'étude,
Vous valez le bonheur des rois :
Assis dans mon fauteuil, en paix, sans lassitude,
J'entends là d'éloquentes voix ;
J'écris, puis dans un livre, admirable merveille,
Je butine ainsi qu'une abeille ;
Je fais mille rêves légers,
Et savoure des biens.... un peu trop mensongers,
Un peu trop prompts à disparaître,
Mais qui, demain, pourront renaître.
Un grand roi fit mander un jour,
À la cour,
Certain savant venant de faire
Un livre qui, bien que sévère,
Avait fait quelque bruit dans ce noble séjour.
Le savant fut très bien accueilli par le prince,
Ce prince était intelligent ;
Brillante était sa cour : la ville et la province
L'emplissaient à l'envi d'un noble contingent.
La conversation fut aimable, fut vive ;
On fit assaut d'esprit. Notre pauvre savant
N'osa pas se lancer pourtant :
Plein de respect, ému, sa langue était captive.
Il avait cependant infiniment d'esprit ;
Mais sa timidité lui causa le martyre.
Le roi montra sans cesse un aimable sourire,
Et, le moment venu de s'éloigner, il dit :
- Vous allez retourner dans votre solitude,
Pour vous y livrer à l'étude ;
Vous n'y trouverez pas nos gracieux seigneurs,
Tout pétillants d'esprit, polis, semant de fleurs
Les questions les plus arides ;
Combien vos heures seront vides,
Loin des plaisirs qu'offre ma cour !
Sire, détrompez-vous. Dans mon humble séjour,
J'ai toujours bonne compagnie,
Et meilleure, je le parie,
Que les rois dans leurs beaux palais.
- C'est impossible. - Si j'osais,
Je vous en offrirais la preuve. —
- Osez. - J'exprimerais l'espoir
D'obtenir avant peu le bonheur de vous voir
Chez moi. L'idée est assez neuve...
Eh bien ! j'irai...
- Honteux de ce peu qu'il a dit,
De son succès tout interdit,
Notre savant retourne à son humble ermitage,
Véritable palais d'un sage.
Avec l'aurore tout est prêt.
On frappe.-Ah ! le voilà ! - C'est le prince, en effet...
Il entre, il regarde, personne !
Le savant seul... - Est-ce là tout ? —
-Ah ! daignez vous asseoir. - Non, je reste debout.
Où donc est, s'il vous plaît, cette cour qui vous donne
Tant de plaisir par son savoir,
Ses gràces, son esprit, son goût, sa politesse,
Son aimable délicatesse ? -
-Cette cour si brillante... -Allons ! faites-la voir.—
- Je l'ai dans ce logis, et j'en jouis sans cesse. -
- Enfin.... Mon prince, la voilà. —
Et montrant de la main, rangés dans sa demeure,
Ses livres bien-aimés : -Ma cour est toute là,
Et c'est bien, je crois, la meilleure.