Le Voleur et le Chien Gilles Corrozet (1510 - 1568)

N’estre corrumpu par aulcun don.

Qui se laisse corrumpre —
Des dons de l’ennemy
Est en danger de rompre
La foy vers son amy.


Ung Larron vint pour desrober et prendre
En ung logis, et, pour mieulx entreprendre
Son larrecin,
Il gecte ungpain au Chien de la maison.
Gouster n’en veult non plus que de poison,
Tant il est fin.
« Ne pense pas, dict le Chien tresloyal,
Qu’en la maison je seuffre faire mal :
Je cognois bien
Que par ce pain tu me veulx faire tatre;
Garder me veulx d’abayer et de braire,
Tu ne fais rien.

« Penserois tu pour ung petit present
Que tout le bien que je garde à present
Je laisse perdre?
Celluy qui faict telle desloyaulté,
On le devroit (et la bien merité)
Brusler et ardre.
Tout serviteur ou homme qui a charge
Du bien @aultruy n’en doit point estre large
A l'abandon.
It est larron qui commect ung tel vice,
Et son seigneur destruict en son service
Pour petit don. »
Fable 19


Titre original : Du Larron et du Chien

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