Le Capucin et le Voleur Théophile Deyeux (1799 - 1870)

On attendait les ennemis,
L'argent était caché, les trésors enfouis.
Un capucin, porteur d'une cassette,
Fut arrêté par un voleur.
Ce coffre m’appartient sans que je te l’achète;
Halte la, lui dit-il, mon beau prédicateur,
Ou je te brûle la moustache
Et te fais sauter la ganache.
Le père dit : je reconnais ta loi,
Voila l'objet, ensuite écoute-moi:
On doit me confier une boite pareille,
Et qui nous convient à merveille ;
Si tu consens que je sois de moitié ;
J'ai vu l’argent, le sac est tout lié.
Le maitre de cet or veut le placer en ville
Pour être plus tranquille;
Tl ne me confierait plus rien
Si ma fidélité ne se prouvait pas bien.
Tire-moi, dans ma casaque,
Ton fusil ou ton pistolet ;
Prends l’escopette et me la braque
Sur le revers de mon collet.
J'aurai l'air d’avoir fait tète
A la tempête ;
Il est bien entendu
Que m’étant défendu,
Ce sera chose des plus sires,
Quand mon habit montrera ses blessures;
Notre homme une autre fois me confiera son or,
Et nous partagerons ensemble le trésor.
Accepte ou refuse ;
Cette caisse est à toi, loin de moi cette ruse.
Fort bien, dit le voleur,
Or ¢a, tiens-toi, mon vieux, tu n’as pas peur ?
Ouvre-moi ta robe bien large,
Qu’a l'instant même je décharge
A droite à gauche mes deux coups.
Pan, pan, bon pour deux trous;
Encore, dit le père,
Elargissant sa haire;
Oh! mais je n’ai plus rien,
Dit le larron; dans ce cas, tout va bien.
Tu mas pris pour un bon apôtre,
Dit notre capucin : un homme en vaut un autre ;
Approche et tu verras beau jeu :
Je ne craignais que l'arme à feu.
Adieu donc, tu n’es qu'une bête,
Et tu n’auras pas ma cassette.

Pour sortir de danger sans douleur et sans bruit,
La force ne vaut pas la présence d’esprit.

Fable 11




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