Des lieux que nous hantons
Nous prenons aisément et le ton et l'allure ;
Pour nous conserver l'aine pure,
Tâchons, de bien choisir ceux que nous fréquentons.

Veuve depuis deux jours, une triste Colombe',
Seulette, au fond des bois, soupirait sa douleur :
Elle voulait mourir....! Justement, elle tombe
Dans les perfides rets d'un habile oiseleur.
« Peut-être, se dit-elle, il va m'ôter la vie!
Je ne m'en plains pas: aussi-bien
Lé désespoir me l'eût ravie....! »
Il n'en fut pourtant rien.
L'homme la met en cage et l'emporte à la ville.
La Colombe bientôt est un peu plus tranquille:
Dans ce nouveau séjour tout lui plaît, la surprend.
L'exemple enfin l'entraîne, et la voilà qui prend
Des cités les mœurs et les vices.
Elle voyait une veuve pleurer
Un mois, deux mois au plus, et puis se modérer.
« Les morts n'exigent pas de si grands sacrifices,
Disait-on, et sont loin de s'occuper de nous!
On fait son deuil, ensuite on prend un autre époux..!
La Colombe tout bas approuvait ce langage.
Un jour, on oublia de refermer sa cage.
Elle s'y trouvait bien; pourtant la liberté
Lui plaisait encor davantage ...!
Elle fuit donc et retourne au bocage.
C'était quand le printemps approche de l'été.
Un soleil éclatant, une riche verdure,
Tout en un mot dans la nature
Inspire aux cœurs aimants les doux pensers d'amour.
Notre Colombe, de retour,
Ne songe plus à l'objet de sa flamme.
On ne l'entendra plus gémir comme autrefois,
Fatiguer les échos et contrister les bois.
Pour un nouvel hymen brûlant au fond de l'âme,
Elle prend un époux et couronne ses feux;
..Un époux..? Non, elle en prit deux...!

Livre IV, fable 10




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