Le Loup, dit-on,
Est prudent quelquefois, mais plus encor glouton.
Un Loup vit un corps mort. Il veut l'avair et tombe
Dans un trou qu'on avait à dessein préparé.
Il y reste étendu comme dans une tombe,
Soupirant, gémissant, d'un air désespéré.
Des Brebis vers ce trou s'approchent d'aventure,
Et regardant par l'ouverture,
Aperçoivent le Loup couché sur le côté,
Fort mal à l'aise et respirant à peine.
Cependant il reprend haleine
Et leur dit d'un ton velouté :
« Mes chères sœurs, la Providence
Veut que je fasse pénitence
Des maux que je vous ai causés:
Pour expier tant de ravages,
De meurtres, de vols, de pillages,
Ah ! je ne puis souffrir assez :
Que de Dieu tout-puissant la volonté soit faite ! »
Cette componction parfaite
Transportant les Brebis : « Ah ! sortez de ce lieu,
Dirent elles au Loup : la clémence de Dieu
Doit pardonner sans doute à tant de repentance;
Sortez 1 — Non, non; d'y rester j'ai fait voeu.
— Sortez ! Vous le .pourrez avec notre assistance !
— J'en suis indigne ! —Allons ! » — L'hypocrite malin
Se fait prier un peu, mais il cède à la fin.
Brebis alors de se mettre à l'ouvrage,
Et grâce à leurs efforts le Loup sort d'esclavage.
Le voilà donc au milieu du troupeau,
Se riant des Brebis et de leur imprudence.
Mais ce n'est pas tout : le bourreau,
En signe de reconnaissance,
Saisit, déchire, étrangle, en un mot fait si bien,
Que pas une n'échappe à sa dent meurtrière...!
A servir les méchants vous ne gagnerez rien ;
J'en verrais sans pitié périr la race entière !