Le Serpent et le Paysan Ivan Krylov (1768 - 1844)

Par imprudence , aux sots dictons
Gardons-nous bien de donner prise ;
Selon les gens que nous hantons,
On nous recherche , on nous méprise.

Un mougik d'un serpent avait t'ait son ami ;
Ce serpent-là n'était peut-être
Trompeur et fourbe qu'à demi ;
Mais, simple commensal, il commandait en maître.
Le manant ne voyait , ne jurait que par lui.
Dès lors tous ses parents , ses amis du village,
Craignant de le hanter, fuyaient son voisinage,
Et notre bon compère en conçut de l'ennui.
.. Mes amis, leur dit-il, excusez-moi, de grâce;
Pourquoi depuis longtemps évitez-vous mon seuil ?
Ma femme vous fait-elle ici mauvais accueil.
Ou ne trouvez-vous plus ma cuisine assez grasse ?
— Non pas , dit le voisin Matthieu,
Chacun de nous t'aime et t'estime.
Jamais (et sur ce point, mordieu!
Tout le village est unanime).
Jamais, compère, en aucun cas,
Tu ne nous as causé ni peine ni tracas.
Mais, parle franc, chez toi peut-on rester à l'aise?
Non : à peine assis , nous tremblons
Que ton ami , sous notre chaise ;
Ne vienne mordre nos talons. »

Livre VIII, fable 11




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