Jupiter un jour se courrouça ;
Les dieux, selon le bon Homère,
Etaient sujets à la colère.
Voici comment l'affaire se passa.
Du maître de l'humaine engeance,
Certain rimeur, dont j'ignore le nom,
Avait parlé d'un certain ton
Qui visait à l'irrévérence.
Cela s'appelle une licence
Chez les favoris d'Apollon.
Cours à l'Etna, Vulcain ; rassemble
Les foudres destinés aux fameux scélérats ;
Du plus brûlant de tous je veux armer mon bras.
Unis-les plutôt tous ensemble.
v Ainsi parla le souverain des dieux.
Vulcain obéit ; le ciel tremble :
L'air, embrasé de mille feux,
Répand dans tous les cœurs l'horreur et l'épouvante ;
Sur son double Pivot, la terre chancelante
Menace de rentrer au chaos ténébreux.
Que fait le Poète en ce désordre affreux ?
Il dort ! il dort ! et l'horrible tempête,
Qui gronde sur sa tête,
N'éternise pas son sommeil.
Non, ses sens vont jouir d'un paisible réveil.
En voulant l'écraser, Jupiter lui fait grâce :
Tant de foudres unis embarrassent ses mains.
L'effort, mal balancé, rend les coups incertains.
Maint arbre est abattu, maint rocher hors de place,
Dont le Dieu n'avait pas résolu la disgrâce:
Le souverain des immortels
Epuisa ses carreaux sur ses propres autels.
Que la colère est maladroite !
Elle va se blesser de son propre aiguillon.
Si le Dieu n'eût pris qu'un bâton,
J'aurais plaint le pauvre Poète.