Une aimable et douce fauvette
Chaque matin sur la coudrette
Venait égayer de ses chants
Un bon vieillard, hôte des champs.
Peu sensible à la mélodie
Dont son vieux maître était charmé,
Derrière un genêt parfumé,
Complice de sa perfidie,
Raton un beau soir s'embusqua,
Sauta dessus et la croqua.
Jugez du chagrin du bonhomme,
Lorsqu'à l'aurore, après son somme,
Plus il n'ouït l'air favori,
Et que sur le gazon fleuri
Il reconnut l'aile sanglante
Du volatile bien-aimé ;
D'un fer vengeur le bras armé,
Et la prunelle étincelante,
Raton, dit-il, si c'était toi...
- Moi ! mon pauvre maître, et pourquoi ?
Dit le chat d'un air d'innocence ;
N'avons-nous pas, Minette et moi,
Du pain, du rôt de bon aloi,
Et du lait pur en abondance ?
Et puis un bon petit oiseau
Dont vous trouviez le chant si beau,
Qui charmait tant votre demeure,
Le mettre à mort ! Quelque moineau
Voleur, pillard, à la bonne heure ;
Il mérite le sort des rats.
Ah ! ne croyez point, mon cher maître,
Raton si perfide, si traître ;
Il déteste les cœurs ingrats.
Ce ton, cet air de bonhomie,
Si bien joués par le caffard,
Désarmèrent notre vieillard.
Mais, malgré son effronterie,
L'effroi du coupable fut tel,
(Le repentir aussi peut-être)
Qu'il fit le serment solennel
De ne retoucher chez son maître
Ni fauvette, ni pigeonneau,
Ni caneton, ni tourterelle,
Ni nourrisson de Philomèle,
Ni même hirondelle ou moineau,
Rien, enfin, de ce qui sur l'onde,
Ou sur la terre, dans ce monde,
Un volatile est appelé.
Serment d'ivrogne ! un mois à peine
S'était dès ce meurtre écoulé,
Qu'un soir, à cette heure incertaine
Où la nuit à son char d'ébène
Fait atteler ses chevaux gris,
Raton trahit, dans sa faiblesse,
L'engagement qu'il avait pris.
Voici le fait : Des ais pourris
D'un toit usé par la vieillesse,
Une jeune chauve-souris
Dans la cour étant descendue,
Vint à voleter vers Raton,
Qui, d'un coup de sa grifse aiguë,
La précipita chez Pluton ;
Et puis s'en régala, dit- on.
Elle était délicate et tendre,
Aussi le festin fut parfait.
Mais le remords d'un tel méfait
Longtemps ne se fit pas attendre :
Et mon serment ! ah ! qu'ai-je fait ?
Plein de trouble, dit le coupable ;
Pour me tirer d'un pas semblable
Allons consulter le hibou.
C'était un docte personnage,
Et très-dévot, hôte d'un trou
D'une roche du voisinage.
Le cas clairement exposé,
Et d'un présent promesse faite,
(Point ne faut que ceci j'omette)
D'un air grave et d'un ton posé,
Le docteur dit : Double nature
Reçut des dieux la créature
Que vous avez mise au tombeau ;
Elle est souris, elle est oiseau.
Or, dites- moi votre pensée,
A quelle bête en vouliez-vous ?
Quelle des deux était censée
Mériter vos funestes coups ?
Voyons, la souris, je suppose ?
Oh ! sans doute, illustre docteur,
Répond le chat avec douceur,
Fort enchanté de voir la chose
Prendre une pareille couleur.
-En ce cas, la prise était bonne ;
Retournez chez vous sans frayeur ;
Le ciel est juste, il vous pardonne.