Les grillons viennent habiter
Les réduits de ma cheminée ;
De l'un d'eux je vais raconter
Comment finit la destinée.
Plein de joie, il disait un soir :
Dieu merci, ma fortune est faite ;
Or, mes amis, venez me voir ;
Je possède à présent la plus belle retraite.
Ma foi, ce vieux grillon fit bien de trépasser
Pour me la laisser.
Voyez comme elle se divise
En bon nombre d'appartements ;
J'y veux vivre tout à ma guise,
Et je pourrai sans peine y loger mes enfants.
Je ne craindrai plus la détresse ;
J'aurai toujours ici de quoi bien me nourrir.
Oui, le ciel me présage un heureux avenir.
Que de jours de bonheur ! que de jours d'alégresse !
En achevant ces mots il quitte son réduit ;
Il croit pouvair trotter sans crainte ;
Mais un jeune matou l'aperçoit, le poursuit :
De sa patte déjà grillon ressent l'atteinte.
Grillon se meurt, grillon est mort.
Voilà pourtant les coups du sort ;
Voilà l'étrange folie
De trop compter sur la vie.