Le Grillon et la Fourmi Jean-Auguste Boyer-Nioche (19è siècle)

LA terre avait quitté sa robe de verdure ;
Le torrent, en grondant, roulait dans le vallon,
Dans le sein des forêts mugissait l'aquilon ;
Enfin tout annonçait le temps où la froidure
A maint et maint insecte apporte en nos climats
Et la famine et le trépas.
A cette époque donc, aux insectes fatale,
Un pauvre et vieux grillon, sans parent, sans ami,
Va demander l'aumône à certaine fourmi,
En avarice au moins égale
A celle qui jadis refusa de prêter
A sa voisine la cigale
De quoi la faire subsister
Jusques à la saison prochaine,
Bien qu'elle eût fait serment de joindre au principal,
Lors du remboursement, un intérêt légal,
Ainsi que l'a conté l'immortel La Fontaine.
Mais à présent, lecteur, mettons la nôtre en scène :
Ah ! vous voilà, mon cher voisin,
Vous paraissez souffrant ; j'en suis vraiment peinée ;
On se ressent partout de la mauvaise année.
Quant à moi, je suis loin d'avoir un magasin
Fourni comme autrefois ; et, qui plus est, je pense
Que l'hiver sera long. Sans cette circonstance,
De mes provisions je vous ferais part... mais...
Je t'entends, tu voudrais, animal détestable,
Avoir le superflu pour être charitable :
Va, tu ne le seras jamais.

Livre IV, fable 1




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