Deux chenilles échappées
Au froid d'un hiver meurtrier,
Et de leur nid décampées,
Tout au haut d'un vaste espalier,
De bourgeons en bourgeons faisaient déjà voyage,
Côte à côte rampant du matin jusqu'au soir.
Prêtons un peu l'oreille à leur tendre langage.
J'éprouve un doux plaisir à t'entendre, à te voir,
Ô ma sœur ! pour toujours que l'amitié nous lie :
Tout mon bonheur dépend de ce seul sentiment ;
Je le partage bien, et te fais le serment,
Ma chère sœur, de vivre et mourir ton amie.
Cependant celle-ci comptait au moins six jours
Plus que l'autre ; elle dit : Il faut faire une pause ;
Un malaise accablant, dont j'ignore la cause,
Vient s'emparer de moi, peut-être pour toujours !...
Mais sa voix faiblit et se perd ;
Tout son corps se roidit, la chaleur l'abandonne ;
Un fil blanc et soyeux par degrés l'environne :
Il en est déjà tout couvert.
A cet aspect, interdite, éperdue,
Et toute en proie à sa douleur,
Sa malheureuse et tendre sœur
Dans le tombeau croit qu'elle est descendue.
Elle allait, depuis ce moment,
De sa compagne infortunée
Visiter chaque matinée
Le funéraire monument.
Un jour, ô surprise ! ô merveille !
Le, tombeau s'ouvre...un bel insecte ailé,
Vif et léger comme une abeille,
Un papillon auprès d'elle a volé.
Quoi ! mon amie,
Je te revois !
Viens, je t'en prie,
Viens à ma voix.
Mais le parjure
De su parure
Se l'ait tout fier ;
Soudain dans l'air
Le plaisir guide
Son vol rapide.
A mainte fleur
Notre volage,
Loin de sa sœur,
Va rendre hommage.
Qu'entre vous l'amitié règne, mes chers enfants ;
Ne ressemblez jamais à l'ingrate chenilles/strong> ;
Et n'importe comment le hasard vous habille,
Conservez-vous toujours les mêmes sentiments.