Pour un boiteux il était agréable
Qu'un aveugle voulût sur son dos le porter ;
L'aveugle, cependant, trouvait insupportable,
Non le fardeau, mais d'écouter
Ce que notre boiteux avait toujours à dire.
Or il prend un bâton. Nous pouvons nous conduire,
Et sans risque, dit-il, à présent cheminer.
Un gué profond s'offre sur leur passage ;
Le boiteux crie à gauche de tourner :
L'autre va droit, dans le ruisseau s'engage,
Et jusques à la peau le couple fut trempé :
Cependant le voilà du péril échappé.
Plus loin le boiteux dit qu'un ravin les arrête.
Comptant sur son bâton, voulant faire à sa tête,
L'aveugle continue ; et tous deux, de ce pas,
Dans le fond du ravin vont trouver le trépas.
Ce conte prouve, ce me semble,
Que la présomption et la crédulité
Ne peuvent pas aller ensemble,
Sans trouver en chemin quelque calamité.