La Cigale et les Sauterelles Jean-Baptiste Brossard (1820 - 18?)

Un paysan à pleine main prenait
Et dans un sac pèle-mèle jetait,
Pour les faire mourir, d'affreuses sauterelles
Qui, la terre jonchant,
Et dévorant les récoltes nouvelles,
Dévastaient tout son champ.
Tout-à-coup sous ses doigts se trouve une cigale,
Qui se sentant presser d'une façon brutale
Et craignant pour ses jours,
À la prière humblement a recours :
Ô toi, qui tiens entre tes mains ma vie,
Homme fort et puissant, daigne, je t'en supplie,
M'écouter un moment pour que, dans ta fureur,
Tu ne punisses pas l'innocent par erreur ;
Vois moi, je suis cigale et non point sauterelle ;
Entre les deux je crois la différence est belle :
Bien loin de dévaster ton champ,
Je te réjouis par mon chant ;
J'amuse tes enfants, je plais à ta compagne,
Et partout alentour je charme la campagne ;
Epargne donc un chétif animal,
Incapable en tous points de te faire du mal.
Bien raisonné, ma Mie !
Dit le manant ; mais vois, en quelle compagnie,

Tu te trouves en ce moment.
Fréquentait les méchants, tu dois assurément
Ne valoir guère mieux : Sauterelle ou cigale,
La chose m'est parfaitement égale.
Tu mourras bel et bien : à ces mots, flic et flac,
Le manan, sans pitié, la fourre dans le sac.
Au bout d'une seconde
La pauvre bête, hélas ! n'était plus de ce monde.

Fuyez donc (es méchants : on expose toujours,
En vivant avec eux, son honneur ou ses jours.





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