Pour se livrer à l'étude avec fruit,
Cherchant le calme et fuyant loin du bruit,.
Un érudit, singulier personnage,
Habitait, le deuxième étage
D'une maison joignant, à la commodité,
Le charme de la paix et la tranquillité,
Chose assez rare et, bien mieux, dissicile,
A rencontrer surtout dans une grande ville~
Grâce à ces agréments, le savant, ainsi fait,
Était de son logis content et satisfait,
Quand, un beau jour, un nouveau locataire,
Bien fait, certes, pour lui déplaire,
Vint du premier étage occuper bruyamment
Les pièces composant un coquet logement :
Or, le nouveau venu, de son art fanatique,
Du matin jusqu'au soir faisait de la musique,
Sans cesse fatiguant, sans trop s'en soucier,
D'un malheureux piano le docile clavier,
Dont les sons continus, véritable tapage,
Assourdissaient, les gens du voisinage,
Et, traversant du premier le plafond,
Incommodaient, Dieu sait ! l'érudit du seconde
Le malheureux se mit aussitôt à songer
Au moyen le plus sûr de pouvair se venger.
Puis, du diable inspiré, sanglante raillerie !
Il achète un méchant orgue de Barbarie ;
Et le voilà tournant, tournant, avec fureur,
La pauvre manivelle, et jouant, oh horreur !
Sans cesse le même air, pour toute variante,
Ne pouvant plus alors se livrer à l'étude
Dans le recueillement, selon son habitude,
D'une musique aussi mauvaise que bruyante,
Satisfait de briser, par cet affreux sabbat.
De son musicien le tympan délicat.
Mais ce charivari, cet infernal tapage
Assourdissaient aussi tout le troisième étage :
Le locataire, un ancien officier
Qui, sous l'habit bourgeois cachait un franc troupier
Trouvant la farce un peu trop forte,
A son tour se vengea de la sorte :
Ayant, non sans dessein, fait emplette un beau jour
D'une ample grosse caisse, au monstrueux contour,
Et,- pour accompagner, de deux larges cymbales.
De forme et de grosseur parfaitement égales,
Notre homme satisfait de pouvair largement
Rendre à ses chers voisins torture pour tourment,
Sans perdre un seul instant, regagne sa demeure,
Poussé par le désir de commencer sur l'heure ;
Et le voilà bientôt faisant, à grand fracas,
(De la musique à tour de bras !
Le.drôle s'échauffant à ce plaisant ouvrage
Frappait, tambourinait avec tant de courage
Qu'autour de lui les murs lourdement s'ébranlaient
Et les vitres, en chœur, bruyamment s'agitaient.
Dieu sait alors quel effrayant tapage
Sans cesse incommodait les gens du voisinage :
Les malheureux bientôt n'y pouvant plus tenir,
Et désirant au plus tôt en finir,
Portèrent un beau jour plainte au propriétaire,
Qui, sans forme ni commentaire,
Mit nos musiciens bien vite à la raison,
En les congédiant tous trois de sa maison.
En voulant se venger on tourne à la démence :
On s'aveugle si bien qu'on ne raisonne plus ;
Et très souvent alors le poids de la vengeance
Nous retombe dessus.