Le Chat-huant et la Fauvette Jean-François Guichard (1731 - 1811)

Dans le trou d'un chêne rongé
En misanthrope, en solitaire,
Un chat-huant s'était logé :
Cette espèce est atrabilaire.
Au faire du même arbre, exempte de souci,
Voltigeait, en chantant, une jeune fauvette
Sur cette branche, encor sur celle-ci,
Toujours errante, et toujours satisfaite.
Ses sons joyeux perçaient les vallons d'alentour ;
Du printemps on eût dit qu'à toute la nature
Elle voulait annoncer le retour.
L'oiseau de nuit murmure,
S'efforce de passer par son trou sa figure,
Et lui demande à quel propos ce train...
Arrête ! Je n'ai, je te jure,
Aucun mauvais dessein.
Réponds-moi seulement : Qui te rend si contente ?
- C'est la douceur d'une vie innocente.
De me chagriner j'aurais tort.
Rien ne me contrarie ; un lieu me plaît, j'y vole
- Mais pour peu qu'on songe à la mort...
- Je n'y songe point. - Tête folle !
L'automne a des dangers, l'hiver a des rigueurs,
L'été des chaleurs redoutables.
- Oh ! je suis faite à ces malheurs ;
Je les souffre, ils sont supportables.
Et le printemps ? Vous ne m'en parlez pas.
Nous y sommes : combien le printemps a d'appâts !
Puis, « Il n'est aucun sort qui n'ait son avantage. »
Là-bas, est un berger couché sur le gazon ;
J'ai bien de sa chanson retenu ce passage.
- Beau passage ! Belle chanson !
Va-t'en, lui cria le sauvage.
Fauvette s'en alla,
Et par un petit air son départ signale.

D'elle ou du chat-huant qui vous semble plus sage ?

Livre IV, fable 3




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