Le Chat-huant, la Colombe et ses Petits Fables du bonhomme de la Vallée du Perche (XIXème)

Dans un joli bocage,
Une colombe à ses petits
Redisait en son langage :
« Vivez heureux ! soyez bénits !
Charmants objets de ma tendresse,
Quel cœur pour vous ne s'intéresse
Depuis le jour qui vous fit orphelins !
Non ! vous n'avez plus de père...
Et le cœur d'une mère
Tout en vous adorant succombe à ses chagrins.
Je ne puis que prier l'auguste Providence
Qui jusqu'alors a défendu vos jours,
De vous protéger toujours :
Méritez donc son assistance.
Soyez pieux ; aimez vos ennemis ;
Aux lois du ciel restez soumis :
Ne craignez point alors que Dieu vous abandonne :
11 peut nous éprouver...
Résignons-nous, car il l'ordonne :
S'il nous abaisse un jour c'est pour nous relever. »
Les jeunes tourtereaux goûtaient cette morale.
Voix d'une mère parle au cœur,
Et rien n'égale
Sa douceur.
Ainsi vivait en paix notre bonne colombe,
Quand tout-à-coup, hélas ! la foudre éclate et tombe
Sur elle et ses petits !
Quelle foudre, grand Dieu ! C'est l'affreux égoïsme
De certains oiseaux maudits.
Depuis longtemps, par son pharisaïsme,
Un chat-huant, voisin des tourtereaux,
Avait trompe la pauvre mère...
Or, elle pour lui plaire
Conduisait ses petits jouer sur les rameaux
Du chêne où l'hypocrite élevait sa couvée.
Quelle âme dépravée !
Profitant de son erreur,
Le froid conspirateur
Fait déloger la pauvrette
En la proclamant suspecte.
Les geais et les corbeaux l'ont aidé de leurs voix.
Altesse chat-huant s'assied sur le pavais.
Quels mauvais jours pour la contrée !
Toute morale est abjurée :
Maître renard et le vautour
Sont les ministres
De ce monarque d'un jour.

Habitants des forêts, éloignez les sinistres ;
Que le ciel, en son courroux,
Accumule sur vous.
Rappelez la colombe et son bel entourage :
Dans des jours malheureux, par les ordres du ciel,
C'est elle qui mit sur l'autel
L'olivier, de la paix le symbole et le gage.

Livre II, fable 2




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