Dans un joli bocage,
Une colombe à ses petits
Redisait en son langage :
« Vivez heureux! soyez bénits!
Charmants objets de ma tendresse,
Quel cœur pour vous ne s'intéresse
Depuis le jour qui vous fit orphelins!
Non! vous n'avez plus de père...
Et le cœur d'une mère
Tout en vous adorant succombe à ses chagrins.
Je ne puis que prier l'auguste Providence
Qui jusqu'alors a défendu vos jours,
De vous protéger toujours :
Méritez donc son assistance.
Soyez pieux; aimez vos ennemis;
Aux lois du ciel restez soumis:
Ne craignez point alors que Dieu vous abandonne:
11 peut nous éprouver...
Résignons-nous, car il l'ordonne:
S'il nous abaisse un jour c'est pour nous relever. »
Les jeunes tourtereaux goûtaient cette morale.
Voix d'une mère parle au cœur,
Et rien n'égale
Sa douceur.
Ainsi vivait en paix notre bonne colombe,
Quand tout-à-coup, hélas! la foudre éclate et tombe
Sur elle et ses petits !
Quelle foudre , grand Dieu! C'est l'affreux égoïsme
De certains oiseaux maudits.
Depuis longtemps, par son pharisaïsme ,
Un chat-huant, voisin des tourtereaux,
Avait trompe la pauvre mère...
Or, elle pour lui plaire
Conduisait ses petits jouer sur les rameaux
Du chêne où l'hypocrite élevait sa couvée.
Quelle âme dépravée!
Profitant de son erreur,
Le froid conspirateur
Fait déloger la pauvrette
En la proclamant suspecte.
Les geais et les corbeaux l'ont aidé de leurs voix.
Altesse chat-huant s'assied sur le pavois.
Quels mauvais jours pour la contrée !
Toute morale est abjurée:
Maître renard et le vautour
Sont les ministres
De ce monarque d'un jour.
Habitants des forêts, éloignez les sinistres;
Que le ciel, en son courroux,
Accumule sur vous.
Rappelez la colombe et son bel entourage :
Dans des jours malheureux, par les ordres du ciel,
C'est elle qui mit sur l'autel
L'olivier, de la paix le symbole et le gage.