Le Colin-Maillard Jean-François Guichard (1731 - 1811)

De jeunes paysans dégourdis et joyeux,
Malins (c'est le droit du jeune âge),
Dans la cour d'une ferme attenant le village
Gambadaient tous à qui mieux mieux.
- Camarades, à quoi jouerons-nous ? - Dis toi-même.
- À Colin-maillard ? - Va ;colin-maillard, je l'aime.
On est d'accord.
Un doigt mouillé fait l'office du sort.
Qui le touche ? C'est Blaise.
En quatre, sur les yeux on lui colle un mouchoir
Dûment serré, dont il n'est pas trop aise.
- Au moins vous me crierez, Gare le pot au noir !
- C'est juste... - À droite, à gauche il se tourne ; il projette
D'en saisir un qui rit, et de le tenir bien.
Il étend ses deux mains, de tous côtés les jette,
S'arrête, écoute, et puis s'allonge... Rien.
La troupe fuit. Ah ! Blaise ! ah ! comme on te houspille !
Il croit prendre Colas, il ne prend qu'un chapeau.
À lui jouer un tour s'apprête certain drille.
Le voilà derrière un poteau.
Va ton train, criait-il, avance.
Près de lui Blaise entend une vois, il s'élance,
Se heurte, et, du coup, tombe au loin.

Ce Blaise, c'est bien l'homme imprudent et sans soin.
Quand de ses passions il s'en rendu l'esclave,
Il s'égare en courant de malheur en malheur ;
Et s'il n'arrache point le bandeau de l'erreur,
Qu'il craigne une chute plus grave.

Livre III, fable 13




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