Le Roi, le Pauvre et le Sage Jean-François Guichard (1731 - 1811)

Par de vils courtisans que l'intérêt consume
Un très jeune roi dissipé,
Tout aux plaisirs, comme c'est la coutume,
De ses devoirs n'était point occupé.
Dans un festin, un jour il chantait ces paroles :
« J'ai joui du passé, je jouis du présent,
Je brave l'avenir, et ses terreurs frivoles
Ne m'inquiètent nullement. »
Tranquille sur son sort, sans doute un roi peut l'être,
Mais sur le sort d'autrui, crie un pauvre en passant,
C'est n'être guère humain. Le monarque l'entend,
Se lève, et court à la fenêtre :
Sans parler, il le fixe avec attention,
Fait donner à ce misérable
Une somme considérable,
Se livre à la réflexion,
Et de la salle se retire.
Dès l'instant plus de favoris,
Tout ce qui l'amusait excite ses mépris.
Il apprend à régner... Il rétablit l'empire.
À la porte de son palais,
Ce pauvre que le roi combla de ses bienfaits
Vint, un soir, en lambeaux redemander l'aumône
Au sage qui faisait l'ornement de son trône,
Le prince le montrant : « Mon or, qu'a-t-il produit ? »
- Vous devez, sire, en attendre ce fruit :
Pour la mendicité, du vice il est la source ;
C'est au travail qu'il faut ouvrir sa bourse.

Livre III, fable 18




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