Une mouche effleurant, avec un doux murmure,
Le cristal poli d’un étang,
Admirait dans les flots sa petite figure,
Et disait : « Pour moi seule on a fait la nature. —
Oui-da ! » reprit en la gobant
Un rapide habitant de l'onde,
Qui murmura soudain : « C’est à moi qu’est le monde. »
Un Canard à son tour attrape le poisson,
Et dit en =barbotant: « Sachez mieux vous connaitre. »
Lui-même il se croyait sans maitre.
IL lui fallut bientôt penser d’autre façon.
Frappé d’un plomb mortel, homme, il fut ta conquête.
Homme, ah ! sans doute ici mon histoire s’arrête.
C’est toi qui du monde est le roi.
Tu naquis pour toi seul ; à toi tout se rapporte.
C’est ton avis du moins, mais prends bien garde à toi.
J'entends quoiqu'un rugir qui pense d'autre sorte ;
Un Lion !... Tu palis ; mais déjà dans ses flancs
Homme, canard, poisson, mouche dorment ensemble.
« C’est moi qui suis le maitre, animaux insolents, »
Dit-il, et cependant de la terre qui tremble
~ Sous les pas du Lion s’échappe en longs anneaux
Celui dont quelque jour il sera la pâture ;
L'insecte vif, fangeux, à l'ignoble figure,
Le ver, le roi des animaux.