Le peuple quadrupède allait nommer un roi.
Déjà les têtes les plus sages
A messire Éléphant accordaient leurs suffrages,
Trouvant en lui justice, intelligence, et foi.
On passait au scrutin, lorsque l'Ane s'avance
Pour entamer un long discours ;
Car, en tout pays, même en France,
Les gens de cette robe ont pullulé toujours.
Le docteur se piquait d'une mâle éloquence ;
Or, chaque fois qu'il opinait,
Ce n'était jamais du bonnet.
Il vient donc haranguer l'honorable assistance,
S'épuise en lieux communs, déclame avec outrance ;
Bref, contre l'Éléphant il se déclare net,
Le jugeant toutefois assez bonne personne,
Mais inhabile à la couronne.
-Messieurs, dit un Renard plein d'esprit et de sens,
A maître aliboron, cet orateur insigne,
Je vote des remerciements,
Et certes il en est bien digne.
S'agit-il d'élire des rois,
Tout sage délibère, et, de peur de méprise,
Il y regarde à plusieurs fois ;
Il désire surtout qu'un sot le contredise.
Plus de doute : passons aux voix.
Nous n'avons qu'un avis ; l'Ane seul en diffère :
Et l'Ane prouve assez, par son avis contraire,
L'excellence de notre choix.