La Belle et le Miroir Étienne Fumars (1743 - 1806)

Lorsqu’une belle a bien dormi,
Qu’une heure ou deux encore, au sein de la paresse
Dans ses doubles rideaux n’étant jour qu’à demi,
Son œil s’est rassuré, son teint s’est rafraîchi,
Nonchalamment elle s’empresse
De se lever ; avant de se glisser à bas,
Même lorsqu’elle est seule, elle passe ses bas,
Dans son lit, en cachette ;
L’amour n’est-il pas là qui guette ?
Il pourrait entrevoir quelques secrets appas ;
Et la pudeur ne le veut pas.
Enfin posant le pied par terre,
Attachant à la hâte une jupe légère,
Où court-elle ? Au miroir,
Se voir.
Une femme charmante,
Qui croyait l’être encor plus qu’elle ne l’était,.
Dans une glace complaisante
Tendrement le matin ses charmes inspectait
A droite, à gauche, y retrouvait sa tête ;
Et là se souriant, pour le jour promettait
A chacun de ses traits au moins une conquête.
Passons à ce sexe enchanteur,
A qui nous devons tous amour, reconnaissance,
D’aimer dans son miroir quelque peu d’indulgence.
Aimons-nous notre ami, s’il n’est un peu flatteur ?
Un homme négligé par elle
(On prétend que c’est son mari)
Plaça malignement une glace fidelle
Au lieu de ce miroir chéri.
Elle se lève, vole et se croit moins jolie.
S’apercevant d’abord de la supercherie,
Dût-elle se blesser, elle y lance la main :
Tiens, dit-elle, imposteur ! Le verre éclate, crie,
Mais cent petits miroirs, soudain
S’offrant à ses regards entre chaque fêlure,
Multiplièrent son chagrin,
En multipliant sa figure.

Qui ne veut point être flatté ?
Chacun en sa faveur se plaît à se méprendre.
Mais nos emportements contre la vérité
Le plus souvent servent à la répandre.





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