Le Père et ses trois Fils Jean-François Guichard (1731 - 1811)

Un honnête et vertueux père
Voulut de ses trois fils sonder le caractère.
— Cette bague, dit-il, je l’ai vu mainte fois,
Vous a tentés : elle est à celui de vous trois
Qui dans sa vie a fait l’action la plus belle.
Çà, j’écoute, parlez, et ne redoutez rien :
Dans ce combat où mon cœur vous appelle,
Votre juge, mes fils, sera l’amour du bien.
L’aîné commence ainsi : J’eus toute la fortune
D’un étranger, je l’eus toute chez moi ;
Il n’en existait preuve aucune :
J’ai rendu ce dépôt ; est-ce avair de la foi ?
— Qui n’en a point devrait mourir de honte :
La probité n’est qu’un devoir ;
Il est mal de s’en prévaloir.
Passons. Le second fils raconte
Qu’un enfant avec un roseau
Jouant au bord d’un lac, était tombé dans l’eau.
Il se noyait ; je cours et l’en relire.
Plus d’un témoin peut vous le dire.
— Vous me les produiriez, répond le père, en vain.
Est-ce être généreux ? Non, ce n’est qu’être humain.
Ma bague me resterait-elle ?
j’en aurais, je vous jure, une peine mortelle.
— J’ai la douleur d’avair un ennemi,
Récite le dernier : je le vois endormi
Sur le penchant d’un précipice ;
Le moindre mouvement eût fini ses destins :
Tout mon corps frissonne, je crains
Qu’en s’éveillant il ne périsse ;
Je m’approche sans bruit, le soulève avec soin,
Et fus assez heureux pour le poser plus loin.
— Ah ! s’écria le père en pleurant de tendresse,
La bague est bien à toi : c’est là de la noblesse.

Livre I, fable 25




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