La serine un jour dit au serin, son mari :
Remarques-tu, mon cher ami,
Comme notre hôte nous évite ?
Depuis longtemps, pas la moindre visite.
Jadis, cent et cent fois par jour,
Il nous faisait caresse sur caresse.
Nous étions, disait- il, son bonheur, son amour.
Qu'avons-nous fait pour perdre sa tendresse ?
Devions-nous craindre un si cruel retour ?

LE SERIN

Souvent un peu d'humeur, un caprice bizarre,
Ont remplacé les plus doux sentiments.
Ce changement dans l'homme n'est pas rare.
Tant que l'on contribue à ses amusements,
On est sûr de sa bienveillance.
Mais comme le plaisir est voisin de l'ennui,
Qu'on peut haïr demain ce qu'on aime aujourd'hui,
On éprouve souvent sa cruelle inconstance.

LA SERINE

Auprès de nous pouvait- il s'ennuyer ?
A ses moindres désirs toujours prêts à nous rendre,
Tous les soins qu'on nous voyait prendre
Ne tendaient qu'à lui plaire ainsi qu'à l'égayer.
Tantôt badin, quelquefois tendre,
Tu l'intéressais par ton chant.
Sans jamais te lasser tu sifflais l'air charmant
Qu'il prenait plaisir à t'apprendre.
Moi de chanter je n'ai pas le talent ;
Si la voix n'est pas mon partage,
Je l'en dédommageais par mon babil joyeux.
Je voltigeais sur ses mains, ses cheveux,
Et le divertissais par un doux badinage.

LE SERIN

Lorsqu'il était absent, dans un coin ténébreux,
Nous languissions au fond de notre cage ;
Quand il revenait de voyage,
Avec empressement, voltigeant sur ses pas,
Nous étendions, nous agitions nos ailes,
Lui-même nous baisait, nous pressait dans ses bras.

LA SERINE

Peut-on abandonner des amis si fidèles ?
Les hommes à ce point peuvent- ils être ingrats ?

LE SERIN

Te souviens-tu, ma bonne amie,
De nos chagrins pendant sa maladie ?
Nuit et jour près de son chevet,
Dans la langueur et la tristesse,
Nous ressentions tous les maux qu'il souffrait !

LA SERINE

Et quelle était notre allégresse
Quand sa santé refleurissait !
Ah ! plaignons- le d'avoir pu méconnaître
Combien de nous il fut chéri.
Un jour il sentira peut- être
Que la grande perte est celle d'un ami.





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