Les deux Jupiters Jean-Jacques Boisard (1744 - 1833)

Un Jupiter d'or pur, massif comme un lingot,
Au demeurant un vrai magot,
Apostropha son Statuaire :
Quand tu m'as prodigué la plus riche matière,
Pourquoi, lui disait-il, m'as-tu plaint la façon ?
Des Dieux et des Humains reconnaît-on le père ?
De Jupiter hélas ! je n'ai rien que le nom.
Ton art s'est épuisé sur une terre vile ;
Cet idole chétif, ce Jupiter d'argile,
Semble encor des Géants foudroyer Les desseins,
Tandis que le tonnerre est gelé dans mes mains !
Je pèse, voilà tout ; c'est mon mérite unique.
Qui daignera m'ériger des autels ?
Mon sort est de languir au fond de ta boutique,
Ou d'être un jour le jouet des mortels.
Ingrat ! reprit le Statuaire,
Est-ce à toi d'envier ton frère ?
Hé dis-moi, n'ai-je pas balancé vos destins :
Ton voisin en partage a reçu le mérite,
La richesse est ton lot ; à grand tort tu te plains ;
Quand tu connaîtras les humains,
Tu verras que ta part n'est pas la plus petite.

Livre III, fable 20




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