Le Pourceau et le Chien Jean-Jacques Boisard (1744 - 1833)

Une nuit Dom Pourceau criait à pleine tête ;
C'était un bruit, une tempête
A rendre les gens sourds ; quel voisin qu'un Cochon,
Dit le dogue Mouflar !... Qu'as-tu ? T'égorge-t-on ?
Pas encor, reprit-il ; mais mon heure s'approche ;
Je ne rêve jamais que coutelas et broche :
Jour et nuit je frissonne et jusqu'au Pourvoyeur
Qui m'apporte à manger, tout me glace d'horreur.….
Oui, crois-moi, mon trépas s'avance :
Tout le monde à ma mort a par trop d'intérêt ;
Hier dans tous les yeux j'ai trop lu mon arrêt...
Demain à mes dépends ici l'on fait bombance,
Demain à mes dépens Mouflar emplit sa panse ;
Et juge si mes cris sont ou non de saison.
Le malheureux avait raison ;
Le Boucher s'apprêtait ; la triste prophétie
Avant le point du jour se trouvait accomplie.
Les plus poltrons souvent ne sont pas les plus fous.
Ô vous de qui la mort ferait le bien de tous,
Qui peut vous assurer d'un seul moment de vie ?

Livre III, fable 25




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