Certain Valet dérobait la pitance
De ses chevaux, et sur leur abstinence
Sans bruit faisait de notables profits.
(Qui me pendra tous ces pillards maudits ?)
Quand l’attelage au fond de l’écurie
Mâchait la paille, en attendant le grain,
Lui cependant menait joyeuse vie.
Tel, bien souvent, quand les soldats ont faim
Le fournisseur chante au sein d'une orgie.
Or les chevaux, dès longtemps mal nourris,
Profitaient peu. De leurs flancs amaigris
Pour déguiser ta chétive apparence,
Le garnement, son étrille à la main,
Toujours frottait, mais il frottait en vain ;
En vain sur eux épuisait sa science.
Sous le manteau, poli comme velours,
Les os perçaient, plus saillants tous les jours.
L'un des jeûneurs enfin lui dit: « Vieux drille,
De beaux semblants à quoi bon te couvrir,
Et nous panser pour nous laisser mourir ?
Allons ! de l'orge, ou garde ton étrille. »

Mon cher lecteur, sous le titre d’ami
N’avez-vous point quelqu’un de son espèce ?
Un papelard, un mielleux ennemi,
Qui doucement vous pille et vous caresse ?

Livre VII, fable 2




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