Le Cheval et le Loup Jean-Jacques Porchat (1800 - 1864)

Certain Loup matois et glouton,
Cherchait sa vie, et trouva dans la plaine
Un monceau d’orge. « Oh! dit-il, quelle aubaine
Pour moi, si j'étais un mouton.
Ils disent que l'orge est si bon :
Sachons ce qu’il faut que j'en pense. »
Et vers sa trouvaille il s’avance;
La flaire et puis la goûte enfin.
« Maudit poison ! Mets insipide !
Plutôt cent fois mourir de faim. »
Il s’éloignait d’un pas rapide.
Un Cheval parut. « Cher ami,
Je vous cherchais, dit l'autre. Accourez, je vous prie.
Je vous ai gardé près d'ici
Le plus friand morceau!... Venez ; sans flatterie
Vous m’en direz votre avis, s'il vous plaît.
Un gourmand pour lui seul eût réservé sa proie ;
Pour moi, partager fait ma joie.
J'ai pris mon picotin ; le vôtre est là tout prêt. »
Le Cheval d’approcher, et mon galant le mène
Poliment vers le tas de graine.
« Eh ! quoi ? de l'orge, et du meilleur !
Vous en priver pour moi ! C’est trop de courtoisie,
Dit le Cheval d’un ton railleur.
J'ai vu là-bas dans la prairie
Un Chien mort. Vous l'offrir, mon frère, m’est bien doux.
Pour lui seul un gourmand le tiendrait en réserve ;
C’est un morceau de roi, mais le ciel me préserve
D’être moins généreux que vous ! »

Livre VII, fable 6




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