Un Papillon blanc, noir, orange,
Je ne sais de quelle phalange
Ni de quel nom, mais que je connais bien,
Jamais sur les fleurs ne se pose ;_
Et fuit Ia renoncule et dédaigne la rose.
Chacun son goût ; voici le sien :
Ti aime les bons fruits, belles poires bien mares,
Beaux pruneaux violets d’un blanc réseau couverts.
Si les traits du soleil, si du taon les piqures
En quelque endroit les ont ouverts,
Le Papillon survient, et pour se mettre à table,
Jugeant le moment favorable,
De sa trompe en spirale il pompe doucement
Le moelleux et riche aliment.
Un jour, son repas fait, il vit dans la prairie
Des Papillons qui badinaient
Sur les fleurettes (c’est leur vie) ;
En un mot, qui papillonnaient.
« Eh! dit-il, plus d’enfantillage,
Dans ces lieux de plaisir c’est assez fréquenté.
Laissez, laissez les fleurs au zéphyr évente ;
Que les fruits soient votre partage.
Oui, songez au solide, au nécessaire enfin;
Lui seul vous donnera contentement durable.
Baiser le serpolet! passe-temps admirable
Pour un galant qui meurt de faim ! —
Erreur, lui dit un des amants de Flore
(Side Flore un poète ose parler encore).
Erreur ! nous avons bien diné.
Cette fleur au brillant calice,
Au port mollement incline,
Est mon amante et ma nourrice ;
Et sous |’éclat qui nous séduit,
Sous le parfum qui nous enivre,
Nous en savons tirer le miel qui nous fait vivre.
Enfin pour nous elle est un fruit.
Tu n’as pas mieux, prêcheur morose.
Retourne tes pruneaux, et laisse-nous la rose! »
Vous qui trouvez dans les beaux-arts
Le soutien d’une douce vie,
Si des bourgeois de Béotie,
Esprits lourds et grossiers, prosaïques bavards,
Quelqu’un vous dit : « Peuple futile,
Plus d’amusette! Un bon métier ! »
Vous lui répondez : « Sois tranquille ;
Le nôtre nous suffit. Nous vivons du laurier,
Du laurier sous nos mains fertile. »

Livre VIII, fable 1




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