Les deux Papillons Charles Desains (1789 - 1862)

C'était, s'il m'en souvient, au milieu du printemps.
A son doux réveil, la nature
Venait de déployer, sur les bois, sur les champs,
Ce voile mouvant de verdure
Si propice à la joie, au mystère, à l'amour.
Mille parfums des fleurs annonçaient le retour.
Deux Papillons voisins, légers amants de Flore,
Aux rayons du soleil venaient enfin d'éclore.
Je me trompe, l'un d'eux n'était qu'à moitié né;
Sous de brillants réseaux toujours emprisonné,
Pour s'élancer dans l'air, faible, il luttait encore,
Sans secours, de sa coque, il ne pouvait sortir.
Il dit à son voisin : Frère, je vais périr,
Si tu ne consens pas à me sauver la vie ;
Ce service, pour toi, n'a rien de périlleux,
Et nous pourrions, unis par les fidèles noeuds
D'une amitié douce et chérie,
Sans jamais nous quitter, embellir la prairie
De ces vives couleurs dont tous deux nous brillons.
Le pauvret ! il croyait la basse jalousie
Bien loin du cœur des Papillons,
Il était, par malheur, d'une plus riche espèce
Que l'insecte méchant duquel, en sa détresse,
Il implorait la charité.
Il ne trouva qu'indifférence,
Et paya de son existence
Le tort d'avoir trop de beauté.

Que l'envie, à jamais proscrite,
Ne dessèche plus notre cœur ;
Elle nous ôte du bonheur
Sans nous donner plus de mérite.

Livre II, fable 7




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