Le Quidam et le Chauve Joseph Barthélemy de Feraudy (1762 - 1831)

Un quidam trouva par hasard
Un méchant peigne dans la rue.
Un chauve, dont la tête était tout à fait nue,
L'apercevant, s'écrie et veut avoir sa part.
Entre eux soudain s'élève une dispute ;
On se collète, on se culbute ;
Voilà nos champions à bas.
Le quidam fut forcé de lâcher sa trouvaille.
A cet aspect chacun rit aux éclats,
De ce que le tondu, pour n'avoir rien qui vaille,
Avait couru le hasard des combats.
Qui fut bien étonné ? Sans peine on le devine.
Notre chauve d'abord fit une triste mine,
Et parut tout déconcerté.
Mais entendant qu'avec malignité
Le public sans pitié le raille et le badine,
Il répond aux railleurs par cette vérité :
Des hommes on dirait que pour l'avidité
Vous ignorez l'ardeur extrême.
Ce que j'ai fait, vous l'eussiez fait de même.
Car vous, qui ne jugez que par les résultats,
Si l'objet eût été de certaine importance,
Alors à mes dépens, loin de rire aux éclats,
Vous auriez voulu tous avoir pareille chance.