La Rose et le Jasmin Joseph-Marie de Gérando (1772 - 1842)

De mon pauvre petit jardin
Deux simples fleurs font la parure ;
Ce sont la rose et le jasmin,
Aimables dons de la nature.
Pauvre, ai-je dit ? Il n'en est rien,
Avec mes deux fleurs bien- aimées,
Fuyant les villes enfumées,
Je me sens riche de mon bien.
De l'amour rose messagère
Des seuls vrais trésors de la terre
Offre le symbole à mon cœur.
Des vêtements de l'innocence
Jasmin, dans sa timide enfance,
Déploie à mes yeux la candeur.
Ma rose, en son adolescence,
Ose avec sa tendre nuance
Du soleil braver les rayons,
Et sur l'appui que je lui prête
Mon jasmin reposant sa tête,
A l'ombre étale ses festons.
Rose, aux premiers feux de l'aurore,
S'anime et s'embellit encore
Des perles qui couvrent son sein.
Dans le cours d'une nuit paisible,
Couronnant le rameau flexible,
L'étaile naît sur mon jasmin.
Chaque jour une nymphe amie
De sa source m'apporte l'eau,
Dont se renouvelle la vie
De l'un et de l'autre arbrisseau.
Tous deux s'entendant pour me plaire,
A mon réveil, dans l'atmosphère,
Confondent leur jeune parfum,
Semblent, avec un doux sourire,
Me voir et de concert me dire :
« Pour t'aimer nous ne sommes qu'un. »
De cette céleste ambroisie
Mon âme doucement remplie
Bénit ces arbustes charmants,
Qui par leur grâce enchanteresse
Et leur mutuelle tendresse,
Raviveront mes derniers ans.

Livre II, Fable 9




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