L'Origine du Laurier rose Joseph-Marie de Gérando (1772 - 1842)

Brûlant de prouver à sa mère
D'un cœur reconnaissant le filial amour,
Un jeune enfant travaillait nuit et jour
Et du devoir, en tout, suivait la règle austère.
Est-il pour le succès un plus certain garant ?
Quel plus fécond génie inspire le talent ?
À la tendresse filiale
Les muses n'ont jamais fait subir un refus ;
Les muses sont sœurs des vertus.
L'élève donc obtint la palme triomphale,
Palme dont les attraits ont un éclat si pur
Quand la jeunesse embellit la victoire,
Et quand l'aurore de la gloire
Luit dans un ciel dont rien ne trouble encor l'azur.

Fier d'avoir mérité la noble récompense,
Près de sa mère accourt notre jeune héros :
La joie éclate et brille aux yeux de l'innocence.
Il porte dignement le fruit de ses travaux,
Un rameau détaché de l'arbre que Bellone,
Pour orner le front du guerrier,
Au nom de la patrie arrondit en couronne.
Sa jeune main agite le laurier :
« Voilà, dit-il, voilà le prix qu'obtint mon zèle !
Je le conquis au champ d'honneur ;
Te l'offrir double mon bonheur.
À la tendresse maternelle
Je devais ce tribut, comme un soldat pieux
Dépose son trophée au temple de ses dieux. »
Rien peut- il égaler, pour le cœur d'une mère,
La douceur d'applaudir au triomphe d'un fils,
Surtout quand il lutta dans l'espoir de lui plaire ?
« Plus que toi-même j'en jouis,
Dit- elle, fils chéri ! je vois, heureuse et fière,
Dans ce premier succès l'avenir que j'espère. »
Son regard attendri s'élève vers les cieux,
Des larmes coulent de ses yeux
Et du laurier arrosent le feuillage.
Dans un vase qui, d'âge en âge,
Par les souvenirs consacré,
Des lares paternels ornait le sanctuaire,
Le rameau triomphal est placé par la mère,
Et d'un si beau présent le vase est décoré.
Mais, ô merveille inattendue !
Le rameau germe et paraît ranimé.
Dans son sein vient éclore une fleur inconnue,
Qui semble doucement sourire à l'œil charmé.
Elle veut imiter, par sa tendre nuance,
La fleur, la belle fleur consacrée à l'amour,
Et d'un double symbole en fondant l'alliance,
De gloire et de bonheur elle pare ce jour.

Telle fut la métamorphose,
Et l'arbuste nouveau justement glorieux,
Aux mères comme aux fils à jamais précieux,
Acquit le nom de Laurier-Rose.

Livre II, Fable 10




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